Colloque international, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, le 4 et 5 décembre 2014
Dans le cadre du Bicentenaire de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne (1816-2016) - Commemoration nationale

Présentation


En conclusion de la notice publiée à l’occasion du 150e anniversaire de l’École des Mines de Saint-Étienne figure la phrase suivante : « Technicien et conducteur d’hommes, l’ingénieur s’impose de plus en plus comme le grand homme des temps modernes ». Dernière l’emphase de la formule se cache une réalité : les ingénieurs civils des mines (ICM) ont débordé de leurs champs d’activité originels, les mines et la métallurgie, pour figurer parmi les acteurs majeurs des industries de la deuxième industrialisation. Ils trouvent, avec la diffusion de la grande entreprise, un terrain d’épanouissement aux pratiques gestionnaires et managériales dont les grandes exploitations minières constituent le terreau. Ainsi, l’ingénieur civil des mines est devenu une figure professionnelle particulière dans le panorama industriel français.
En théorie, le domaine d’activité des ICM se situait dans l’industrie extractive, notamment les houillères, pour lesquelles la formation avait été conçue, afin de promouvoir, voire d’organiser l’exploitation rationnelle des ressources nationales. Cependant, la réalité historique révèle des compétences et des parcours plus ambitieux et complexes que cet objectif initial. Ces ingénieurs ont occupé un éventail de positions beaucoup plus large que la seule branche minière, en étant recrutés dans la sidérurgie, la métallurgie, la mécanique, la chimie, l’électricité et, pour arriver à des périodes plus récentes, le nucléaire et l’informatique. Car, en définitive, la formation d’ingénieur civil des mines débouche sur l’acquisition de compétences techniques variées, ainsi que sur la maîtrise de l’organisation du travail et des flux d’investissements. Elle les inscrit au sein d’une communauté où l’innovation se partage, se communique et se diffuse bien au-delà des seules industries minières et sidérurgiques. Cela ne doit pas surprendre, car le métier d’ICM s’est développé entre deux volets, celui de la technique et celui de la gestion. D’un côté, l’ICM est dépositaire d’un savoir-faire technique qui, dans des périodes bien définies, lui a apporté une valeur ajoutée particulière sur le marché de l’emploi. Ses connaissances comportent des capacités d’application de la technique à la production et aux champs de l’innovation. Grâce à ses compétences, l’ICM s’est progressivement imposé dans le monde industriel au cours du XIXe siècle, avant d’étendre son emprise au XXe siècle. L’application de la technique à la production a été une des bases matérielles du développement économique et de la structuration des systèmes de production modernes. Mais l’ICM n’était pas seulement un technicien. La formation de l’ingénieur était aussi caractérisée par des enseignements en économie industrielle qui ont modelé le métier, afin de fournir des gestionnaires, des dirigeants, ou, pour mieux dire, des managers. Dans un système économique en évolution, ses tâches sont devenues décisives afin de rationaliser le processus productif au niveau des approvisionnements, dans l’écoulement des produits vers le marché et dans la mobilisation du capital humain. Cette capacité à gérer doit être perçue dans son sens le plus large : celui d’administrer les affaires courantes, mais aussi de faire des prévisions et d’agir par anticipation dans des situations économiques fluctuantes.
L’ICM se doit, dans ces conditions, d’expérimenter, adopter, modifier les méthodes industrielles. Sur ce point, le rôle des ingénieurs civils a été essentiel et il semble pertinent de s’interroger sur les liens existants au niveau des réseaux organisés par cette catégorie, comme la Société de l’Industrie Minérale ou celle des Ingénieurs Civils de France. Enfin, cette approche a été caractéristique d’un des principaux ICM, Henri Fayol, qui a théorisé sa doctrine gestionnaire (le Fayolisme) en 1916, après un demi-siècle d’expériences à la tête de Commentry-Fourchambault et Decazeville. L’expérience de Fayol et celle des ICM nous amènent à formuler l’hypothèse qu’un processus de transfert de savoir-faire comme de pratiques techniques et gestionnaires s’est produit des mines vers d’autres activités économiques. Autrement dit, les nécessités économiques et de gestion d’une branche industrielle spécifique (l’industrie extractive), fortement liées à la prévision par la technique, se sont avérées former le substrat commun de toute activité productive. 
Le métier et les pratiques de l’ICM ont donc contribué à transformer l’industrie, en lui donnant des modèles techniques et de gestion.

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